Top décennie 2010 – Romain

Les années 2010 au cinéma auront vu naître une quantité de belles oeuvres même si cette décennie me paraît contrastée. Entre une politique industrielle et sans imagination des grandes studios que je déplore et la disparition progressive de la prise de risque, difficile d’être tout à fait satisfait de l’état actuel du Septième Art. Toutefois aller en salles fut un plaisir bien évidemment et quelques films ont su heureusement me transcender, me toucher ou me bouleverser. Voici mon top 20 de la décennie :

1) The Assassin (Hou Hsiao-Hsien, Taïwan, 2016)

Ma grosse claque de la décennie. Un film qui atteint des sommets de beauté et de grâce par le biais d’une mise en scène et d’une photographie qui relèvent du génie. The Assassin distille ses enjeux à la fois intimes et politiques dans un écrin d’une splendeur remarquable via une narration épurée qui laisse parler l’image, qui prend son temps. L’histoire se suit ainsi sur un rythme paisible qui se déroule avec une force tranquille, non sans tension, mais toujours avec sobriété et élégance. Mon chef d’œuvre de la décennie, un plaisir esthétique et sensoriel qui m’aura transcendé et fait vibrer comme rarement.

2) Le Garçon et le Monde (Alê Abreu, Brésil, 2013)

L’histoire d’un petit garçon qui vit dans son monde bercé de fantaisie avec sa maman et son papa, jusqu’à ce que ce dernier parte loin pour chercher du travail. L’innocence de l’enfant matérialisée par ce fond blanc sur lequel il n’avait qu’à tracer son histoire se retrouve heurtée à la dure réalité d’un monde déshumanisé et pollué. Abreu signe là une merveille d’animation aussi épurée que poétique, porteuse d’un message fort et chargée en émotions qui se véhiculent non pas par les dialogues (absents) mais par une alchimie entre l’image et le son exceptionnelle . D’une beauté simple et rare qui m’a profondément bouleversé.

3) Blade Runner 2049 (Denis Villeneuve, USA, 2017)

C’était mission impossible de faire une bonne suite de Blade Runner. Villeneuve en a donc réalisé une excellente. Dans la continuité du film de Ridley Scott, l’ambiance est noire et sinistre, lorgnant cette fois-ci davantage vers une ambiance post-apocalyptique. Il n’y a plus rien à tirer de cette Terre, de ce Los Angeles vidé de sa substance. Les corporatistes qui règnent sur l’économie se tournent vers la conquête d’autres univers et dans ce monde désespérant, le réplicant Joe cherche des réponses où le rêve est la seule échappatoire. Le film a une part mystique moins présente que dans le premier opus mais il gagne en émotions grâce notamment à ses thématiques sur la famille et sa romance forte. Une réussite esthétique et sensorielle qui ne délaisse pas les interrogations métaphysiques pour un résultat aussi beau que glaçant. Et profondément émouvant à l’arrivée me concernant.

4) La Vie d’Adèle (Abdellatif Kechiche, France, 2013)

C’est l’histoire d’une adolescente qui devient femme, de sa découverte de l’amour, du plaisir charnel, de la douleur sentimentale. C’est l’histoire d’une vie que l’on épouse durant trois heures, des joies et des peines d’Adèle pour laquelle l’empathie se développe au fur et à mesure que le spectateur glisse dans son intimité et ses secrets. La sensation de la sortie de salle en déambulant dans les rues de Lille où le film a été tourné est unique et reste gravée dans ma mémoire comme un souvenir marquant où j’émergeais doucement avec un sentiment doux-amer, à l’image de la vie d’Adèle. L’histoire est singulière, les thématiques universelles et l’ensemble est un chef d’œuvre pour quiconque saura se laisser bercer par le vertige d’une vie filmée à hauteur de femme.

5) Les 8 Salopards (Quentin Tarantino, USA, 2016)

Sûrement le film qui a marqué le basculement de Tarantino vers une certaine forme de maturité, vers un cinéma qui a digéré ses influences pour évoluer vers des thématiques plus profondes. La forme rassemble certains gimmicks habituels, de longs dialogues et une mise en scène référencée qui rappelle le cinéma d’horreur ou encore Peckinpah. Le fond est noir, les personnages revanchards des autres films de Tarantino laissent place à une ribambelle de personnages plus dégueulasses les uns que les autres. Aucun n’est à sauver dans cette Amérique post-Lincoln malade qui n’est pas si éloignée des maux de celle d’aujourd’hui. Un film au sous-texte garni, profond, qui n’en demeure pas moins intensément jubilatoire. A titre personnel, mon film préféré chez Quentin Tarantino et un gros plaisir de cinéma de genre qui n’a pas froid aux yeux.

6) Le Loup de Wall Street (Martin Scorsese, USA, 2013)

En illustrant la vie du trader Jordan Belfort, Scorsese a signé là l’un de ses films les plus féroces sur la société américaine et ses démons qui continuent de la hanter dans un système qui n’en finit plus de s’imposer. Rarement le spectateur sera autant passé par un sentiment ambivalent de répulsion et d’attirance. La vie de débauche de ces êtres sans foi ni loi qui brassent des millions est écœurante mais elle vient pourtant titiller nos bas instincts. Et si c’était moi ? Le film est mordant, drôle, cynique et très noir dans le fond. Un grand film mêlant la satire à la comédie dramatique pour un ensemble audacieux et définitivement irrésistible.
Vous pouvez retrouver ma critique de l’époque ici.

7) Killer Joe (William Friedkin, USA, 2011)

Quand l’un des plus grands artisans du Nouvel Hollywood réalise son chant du cygne (ou presque), ça cogne. Friedkin a sorti là un film noir et perturbant qui allie une forme d’humour cynique à des thématiques plus gênantes et déstabilisantes. La crasse de l’Amérique profonde inonde ce thriller malsain et pervers qui ne cesse de surprendre à l’image d’un personnage principal, incarné par Matthew McConaughey, imprévisible et inquiétant. L’ambiguïté qui règne autour de ces personnages est unique et contribue à rendre ce film furieusement jouissif. L’un des meilleurs films de William Friedkin.
Ma critique de l’époque par ici.

8) Les Éternels (Jia Zhangke, Chine, 2019)

Peinture de la vie d’un couple qui se perd dans une Chine en constante transformation. Jia Zhangke nous fait vivre cette double évolution dans un film poignant qui brille par sa subtilité et par l’utilisation du non-dit. C’est beau, lancinant et terriblement vrai dans l’exposition des rapports humains. Le film est rempli de ces petits riens, de ces petits événements qui caractérisent les protagonistes et donnent une ampleur folle au récit. Avec peut-être le rôle féminin le plus fort de la décennie, immortalisé par une séquence désormais iconique pour quiconque a vu le film : une unique scène d’action qui marque par sa virtuosité. Un modèle d’écriture et de mise en scène pour un ensemble beau et bouleversant.

9) Gone Girl (David Fincher, USA, 2014)

A mon sens la plus grande réussite de Fincher. Un film déstabilisant sur la déliquescence d’un couple qui ne se comprend plus et s’enferme dans un jeu aussi diabolique que destructeur. Le film porte alors des interrogations fortes sur le couple mais aussi la société et les médias en présentant une affaire qui s’emballe dans un mélange de perversité et de faux-semblants. Un film passionnant et stimulant à plus d’un titre.

10) L’Apollonide, souvenirs de la maison close (Bertrand Bonello, France, 2011)

Bertrand Bonello signait en début de décennie un superbe film, complexe, sur la place de la femme dans une maison close du début du 20ème siècle, non sans écho avec l’actualité contemporaine. Entre anachronismes bien placés et instants de vie capturés dans cette prison dorée, le cinéaste signe une œuvre forte et poignante qui marque par son universalité, son culot et son intemporalité. Et quelle atmosphère, quelle ambiance et quelle utilisation de la musique !
Ma critique rédigée à l’époque par ici.

11) Holy Motors (Leos Carax, France, 2012)

Ce film aura beaucoup fait causer et aura bien divisé à sa sortie. Comment pouvait-il en être autrement pour une œuvre aussi baroque et farfelue, bourrée d’idées de cinéma et qui nous fait passer par toutes les émotions ? Entre beauté pure, malaise, humour et cynisme, ce film à sketches nous embarque dans un univers perturbant à plus d’un titre. Une vraie montagne russe d’émotions et d’images qui ne peut laisser indifférent. Pour ma part, ce fut une expérience de cinéma fascinante et stimulante, un film fou et libre !

12) Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda, Japon, 2018)

C’est l’histoire d’une famille aussi atypique que pauvre qui survit grâce aux vols, magouilles et autres petits boulots peu gratifiants sans que le film ne tombe dans le pathos et le misérabilisme facile. Le récit mêle habilement la douceur à la noirceur et porte des interrogations fortes sur le sens même de la famille et de la société avec ces personnages moralement très ambigus. Le dispositif cinématographique est des plus épurés, on suit des tranches de vie, chaque personnage a la même consistance et on s’y attache fortement. L’écriture est tout simplement brillante, idem pour les acteurs tous très convaincants. Un grand film, complexe et touchant.

13) Leto (Kirill Serebrennikov, Russie, 2018)

Une œuvre libre et solaire qui nous transporte l’espace d’un instant à la fin d’une URSS qui voit l’éclosion d’une scène rock underground qui tente d’exister dans une société qui bride la créativité et la liberté. Une belle réussite virtuose, pleine d’idées visuelles et qui ne manque pas de toucher le cœur des spectateurs embarqués dans la vie de ces musiciens que l’on apprend à connaître au détour de chaque scène. Je suis ressorti bouleversé après avoir vécu un véritable périple où j’ai navigué entre toutes les émotions avec plusieurs pics très intenses. Le genre d’œuvre inventive que j’aimerai voir plus souvent au cinéma.

14) Drive (Nicolas Winding Refn, USA, 2011)

Refn a signé avec Drive un thriller qui a marqué son genre par son empreinte et par sa maîtrise de tous les instants. La mise en scène est virtuose et transcende un scénario beaucoup plus habile qu’il n’y paraît, contournant facilement tous les clichés du genre et proposant des séquences de haute volée, tantôt poétiques, tantôt sidérantes de violence. Et l’atmosphère visuelle combinée à un excellent choix d’ambiance sonore font de Drive une expérience sensorielle et planante formidable.

15) La Tortue rouge (Michaël Dudok de Wit, Belgique/Japon, 2016)

L’autre œuvre d’animation qui m’aura ému dans ces années 2010. L’histoire des inévitables évolutions de la vie dans un film d’animation sans parole qui séduit par la beauté de son dessin, l’épure de sa narration et l’universalité de ses thématiques. Avec ses séquences oniriques et sa formidable proposition artistique, La Tortue rouge est un film riche et chargé d’émotions.

16) Paterson (Jim Jarmusch, USA, 2016)

Du Jarmusch pur jus qui nous livre ici un film mélancolique et doux-amer sur le quotidien d’un chauffeur de bus perdu dans une petite ville moyenne des États-Unis. Entre moments poétiques, drôles et romantiques, Paterson se vit comme une succession de morceaux de vie et se déroule sur un rythme paisible qui capte l’anodin avec brio. Une expérience de cinéma à la fois apaisante et stimulante.

17) La Vénus à la fourrure (Roman Polanski, France, 2013)

Quelle expérience fascinante et déstabilisante que ce jeu du chat et de la souris en huis-clos teinté d’illusion et d’érotisme. Doté d’une écriture incisive, d’une mise en scène qui gère l’espace avec brio et d’un épatant duo d’acteurs, La Vénus à la fourrure est un film remarquable sur la domination et l’inversion des rapports de force. Un film osé, pervers et machiavélique qui s’avère particulièrement jubilatoire à l’arrivée.
Critique de l’époque par ici.

18) The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, USA, 2014)

On ne présente plus Wes Anderson et ses plans symétriques qui s’enchaînent tels de magnifiques tableaux. The Grand Budapest Hotel est une œuvre poétique et touchante qui marque par sa singularité et ses idées visuelles qui fourmillent de partout avec une formidable cohérence. Une belle galerie de personnages évolue dans ce paysage loufoque, tous plus hauts en couleur les uns que les autres. Et difficile de ne pas s’y attacher. Une ode à l’artisanat, inventive et pleine de fraîcheur.

19) Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, France, 2019)

A la fois continuité et renouvellement dans le cinéma de Sciamma, ce Portrait de la jeune fille en feu est un superbe film tant au niveau de l’écrin qu’au niveau de l’émotion dégagée par la naissance de cette belle romance, qui prend son temps à naître et qui gagne en épaisseur de minute en minute. J’ai été séduit par l’alchimie de ce duo d’actrices, j’étais à fond dans leur histoire et je n’ai pas décroché un instant de ce film lancinant et hypnotique. Un œuvre forte et féministe qui ne sombre pas dans les écueils faciles pour nous livrer un superbe portrait de femmes.

20) Parasite (Bong Joon-ho, Corée du Sud, 2019)

Le représentant du cinéma sud-coréen qui aura battu tous les records et qui synthétise à merveille l’œuvre de son auteur. C’est un film politiquement fort et corrosif qui ne manque pas d’étriller chaque strate de la société coréenne avec cette richesse déconnectée et ces pauvres qui préfèrent s’entretuer plutôt que s’unir. Une belle réussite qui prend une nouvelle fois naissance dans le mélange des genres si particulier et si maîtrisé de Bong Joon-ho pour nous livrer un film complexe et profond.

Top décennie 2010 – Arnaud

C’est l’heure du bilan ! Pour ceux qui ont écouté le podcast (merci à eux), vous connaissez déjà les cinq premiers, mais il vous reste les commentaires des quinze autres à découvrir, en espérant pouvoir vous donner des envies de cinéma. Retour sur une décennie contrastée, marquée par de nombreuses évolutions technologiques, l’hégémonie de plus en plus inquiétante de Disney, les débats autour de Netflix et l’essorage de licences à grands coups de remakes et reboots parfois improbables. Heureusement il y avait aussi des bons films, comme nous allons le voir ci-dessous.

1) La Vie d’Adèle (Abdellatif Kechiche, 2013)

Que dire que je n’aurais déjà détaillé dans le podcast ? Ce film fut une baffe assez monumentale pour moi au cinéma, où je n’avais absolument pas vu passer les 3h. Une ode à la vie, à l’amour, à la sexualité, à l’acceptation de soi, réaliste et crue, de ces films que je n’ai pas forcément envie de revoir parce qu’ils m’ont trop marqué sur le coup (j’adore les Kechiche que j’ai vu mais j’ai rarement envie de me les refaire). Bref, un putain d’beau film.

2) The Social Network (David Fincher, 2010)

L’approche Fincher, c’est un peu l’inverse pour le coup, au point que certains lui reprocheront sa précision chirurgicale et son manque d’empathie pour ses personnages. Mais ne fallait-il pas quelqu’un d’aussi doué que lui pour sortir un chef d’œuvre sur la genèse de Facebook, et un film à la fois bon et réaliste sur l’informatique (enfin) ? Qui d’autre que lui pour rendre aussi épique, tendue et jouissive une course d’aviron marquant le tournant du film, rythmée par le remix dément d’un classique dont Trent Reznor et Atticus Ross ont le secret ? La caméra et le montage de Fincher semble observer ceci comme une fourmilière en ébullition, où les idées de génie s’opposent aux menaces de procès, où les ambitions déchirent les amours et les amitiés, et où le numérique ne supplantera jamais l’humain. Infiniment plus qu’un bête biopic ou récit d’une histoire vraie, une fascinante étude de cas et un film redoutablement de son époque, sur lequel on reviendra dans les années à venir.

3) Le Loup de Wall Street (Martin Scorsese, 2013)

Voilà un autre film bien de son époque, qui marquait l’énorme retour en forme d’un Scorsese déjà plus tout jeune, mais qui semble ne jamais se départir de son énergie et de son enthousiasme. Bien plus que “Les Affranchis dans la finance”, c’est un réquisitoire sans pitié contre les pire excès du capitalisme et de l’american dream, où la fortune se fait en ruinant directement les plus endettés, et où les ultra riches vivent définitivement dans un univers parallèle, jamais si inquiétés que ça par la justice. Sans raconter le film, le parallèle avec le parcours du flic intègre, acharné et fervent défenseur du droit (personnage rare chez le réalisateur) est particulièrement frappant et sans équivoque.

4) Mad Max: Fury Road (George Miller, 2015)

Continuons avec les transitions parfaites, puisque voilà un autre retour en forme de réalisateur dont le dernier grand film remontait à bien longtemps (Lorenzo en 1992 pour ma part), qui a ressuscité sa saga culte avec une verve inespérée même de ses plus grands fans. La bande-annonce promettait une folie et une ambition visuelles rares dans les grosses production récentes, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’était pas mensongère. Rarement aura-t-on vu telle expérience d’action pure au cinéma, avec dialogues réduits au minimum et où tout passe par l’image, enfilant les scènes d’action et les poursuites incroyables sans jamais perdre le rythme.

5) Wolf Creek 2 (Greg McLean, 2013)

Voilà un film australien que j’aurais voulu découvrir au cinéma, malheureusement il n’a pas eu cette chance. J’avais aimé sans adorer le premier opus, survival simple et efficace avec toutefois un personnage de psychopathe mémorable, eh bien autant dire que cette suite met les bouchées doubles à tous les niveaux : plus de décors, plus d’action, de poursuites, de violence, de variété, d’humour, c’est tout simplement jouissif et rarement vu de bout en bout, malgré les nombreuses inspirations/hommages. Encore un film qui ne donne pas vraiment envie de passer des vacances en Australie.

6) Polisse (Maïwenn, 2011)

Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas si j’aimerais autant le film en le revoyant maintenant, la fin notamment m’avait un peu moins plu que le reste du film à l’époque à tirer vers l’émotion d’une façon pas forcément justifiée. Mais pour le reste, j’avais quand même pris une bonne baffe, il fallait oser aborder un tel sujet frontalement, avec le ton qu’il fallait, beaucoup d’humour pour décompresser comme les personnages. J’avais également beaucoup aimé la prestation de Joey Starr, le casting était excellent mais il ressortait avec une belle humanité.

7) Les 8 Salopards (Quentin Tarantino, 2015)

Pour moi le meilleur Tarantino depuis Kill Bill tout simplement, un autre film de (presque) trois heures où on ne voit pas le temps passer. Tarantino joue d’ailleurs avec la temporalité, étirant à souhait certaines séquences sans jamais perdre son sens du rythme. Il se fait clairement plaisir avec ce huis clos proche de la pièce de théâtre, véhicule idéal pour les joutes verbales et les explosions de violence dont il a le secret. C’est également son film le plus politique, chaque personnage représentant différents segments des États-Unis valables à l’époque comme aujourd’hui, et chacun faisant preuve d’une morale pour le moins flexible. Un sacré plaisir de cinéma.

8) Jusqu’à la garde (Xavier Legrand, 2017)

Mon film préféré de son année, dont j’avais déjà beaucoup parlé à l’époque. Une belle claque et un plaisir immense de voir un drame français flirtant autant avec le film de genre le faire avec brio sur un sujet sensible, avec des personnages complexes et une ambiance à couper au couteau. J’ai hâte de voir le prochain film du réalisateur, peu importe le sujet.

9) Manchester by the Sea (Kenneth Lonnergan, 2016)

Après avoir vu l’étonnant et controversé Margaret dans sa version de 3h, j’avais plus que hâte de découvrir un nouveau Lonnergan au cinéma, qui plus est avec Casey Affleck et une superbe photographie. C’était en effet un magnifique film, sensible, profondément humain et très différent de la moyenne des drames américains modernes. Comme quoi on peut encore en faire sans donner dans la facilité et le larmoyant.

10) Killer Joe (William Friedkin, 2011)

Le retour en grande forme (avec Bug) d’un certain William Friedkin, réalisateur surtout connu pour L’Exorciste alors qu’il a une filmographie pour le moins éclectique. Ce film nous embarque une nouvelle fois dans un univers peu reluisant, où le fils d’une famille de rednecks veut faire tuer sa mère pour toucher une assurance vie afin de régler des dettes. Comme toutes les histoires qui commencent ainsi, ça finit mal, très mal, mais le talent de Friedkin, la qualité du casting et de l’écriture élèvent le concept bien au delà de ce qu’on pourrait attendre. McConaughey tient là un des ses meilleurs rôles en tueur à gages machiavélique et pervers, il arrive à rendre son personnage terrifiant en quelques plans et répliques sans jamais cabotiner. Clairement pas du cinéma pour tout le monde, mais un régal pour les amateurs de films dérangeants et d’humour (très) noir.

11) Voyage à travers le cinéma français (Bertrand Tavernier, 2016)

Un documentaire de 3h20 sur le (vieux) cinéma français, dit comme ça ça peut paraître indigeste. Oui, sauf quand ce documentaire est de Bertrand Tavernier. Je ne connais malheureusement que très peu le réalisateur, n’ayant vu que Quai d’Orsay à part le présent film, mais il fait clairement partie des cinéastes français que je veux le plus découvrir. Le voyage en question transpire l’amour et la connaissance du cinéma à chaque image, le tout avec une grande bienveillance et une envie de partager, exactement les valeurs de la cinéphilie que je défends. Il n’a pas son pareil pour raconter avec gouaille les déboires de tel tournage, des anecdotes savoureuses sur des acteurs ou réalisateurs, puis expliquer avec passion un courant de cinéma ou la beauté d’un plan. A voir absolument pour être fier d’un certain cinéma français.

12) Hérédité (Ari Aster, 2018)

Tout simplement le film d’horreur qui m’a le plus tétanisé au cinéma ces dernières années. Il a été loin de faire l’unanimité, mais pour une fois qu’on voyait des personnages crédibles et complexes dans le genre, avec un rare souci du détail et une montée de la tension incroyable, je n’ai pas boudé mon plaisir (si on peut dire). Si on rappelle que c’était un premier film, il y a de quoi être admiratif. Ari Aster ayant depuis confirmé sa veine de cinéma d’horreur dérangeant, à l’humour très particulier et qui sait développer de vrais personnages avec Midsommar, on ne peut qu’avoir hâte de voir la suite de sa carrière.

13) Gone Girl (David Fincher, 2014)

Oui, c’est le deuxième Fincher de mon top, et alors ? Quand on fait deux films de ce calibre dans la même décennie, c’est mérité. Avec Gone Girl, il adapte (et apparemment transcende) un roman bien roublard, pour en faire un film excessivement passionnant et complexe sur les apparences, les médias, les jugements hâtifs et les dynamiques de groupe. Le personnage de Nick Dunne, affable, imposant, trop lisse et fade au premier abord, était parfait pour un Ben Affleck ayant longtemps connu le ridicule dans des rôles de gros durs (désolé pour lui). Et il va sans dire que la bande-son de Trent Reznor et Atticus Ross est encore une fois une parfaite, leur association avec Fincher était une des meilleurs choses qui pouvait arriver aux deux parties.

14) J’ai rencontré le diable (Kim Jee-woon, 2010)

J’avais vu et adoré les trois film précédents de Kim Jee-woon avant la sortie de celui-ci, donc autant dire que j’étais plus qu’emballé par cette histoire de flic qui veut se venger d’un serial killer. En préparant et tournant celui-là, il semble s’être demandé jusqu’où il pouvait aller sans que ça soit trop. Réponse : très loin. On a droit ici à un grand huit dans la lie de l’humanité, passant de cauchemar en cauchemar, avec un rythme infernal, des personnages géniaux et des scènes d’action/de violence comme seul le cinéma coréen peut nous en proposer. Si vous pensiez que Seven était malsain, jetez donc un œil à ce film, qui semble de plus inspiré par le thriller culte de Fincher sur certains points.

15) La La Land (Damien Chazelle, 2016)

Encore un jeune réalisateur prometteur, après un Whiplash sans concession que j’avais adoré, voilà Damien Chazelle qui revenait avec une comédie musicale sur Hollywood vive et colorée, rendant hommage à toute une génération du genre. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il le fait avec brio, dans un film qui commence comme un feel good mais vire vers le drame, sans jamais perdre de son élan et de son entrain. Mon seul reproche portait sur les talents plutôt limités de Gosling, mais à part ça un énorme coup de cœur en salle.

16) Une séparation (Asghar Farhadi, 2011)

Les films du début de la décennie ne sont pas ceux dont je me rappelle assez en détail pour en parler avec éloquence, mais il est certain que celui-ci m’avait marqué. Il nous est tout simplement proposé d’y suivre le divorce d’un jeune couple iranien avec enfant avec toutes les mésaventures humaines et administratives que cela implique. Les gros points forts du film sont de loin les acteurs et l’écriture, criants de vérité, de réalisme, de vécu, et donc déchirants. Les deux personnages principaux ont chacun leurs failles et leur part d’égoïsme, on évite d’avoir un “méchant” évident, ce qui permet d’observer cette désagrégation sans prendre parti et rend le tout d’autant plus crédible. Un grand film.

17) Mektoub My Love : Canto Uno (Abdellatif Kechiche, 2017)

Et oui, un deuxième Kechiche dans cette liste, parce que lui aussi le mérite. Un film de vacances d’été qui rappelle un certain Conte d’été, mais en plus frontal et torride, où une bande de potes ne cessent de se tourner autour dans des parades amoureuses hypnotisantes, et où le protagoniste passe cruellement (surtout pour le spectateur) à côté de nombreux signes, tout focalisé qu’il est sur son hobby photographique. Un autre film quasi hédoniste du réalisateur, célébrant la vie et la fête, qui a été loin de faire l’unanimité mais que je n’ai personnellement encore pas vu passer malgré ses trois heures. La suite semble être un plantage dans les grandes largeurs au vu des retours, mais que ça ne vous dissuade pas de voir ce formidable film.

18) Marriage Story (Noah Baumbach, 2019)

Promis, je n’ai pas de favoritisme particulier pour les films de divorce, c’est juste qu’on tient encore là un des plus remarquables à mon goût. J’avais déjà adoré Frances Ha du même réalisateur, ici il est clairement dans une veine plus dramatique, mais il arrive à garder cette énergie et ce sens du détail qui m’avaient tant plu. Il y a toujours ce côté relève de Woody Allen qui est bien présent, en hésitant pas à disséquer les moindres aspects de la vie de couple et du divorce, qu’ils soient positifs ou négatifs. Comme dans Une séparation, les acteurs sont excellents (Johansson et Driver tenant pour moi leurs meilleurs rôles respectifs), l’écriture est brillante, alternant avec finesse les torts et les défauts sans jamais paraître calculée, ce qui fait qu’on ne prend jamais vraiment parti pour l’un ou l’autre. Mon film préféré de 2019, et une belle réussite pour Netflix (elles sont assez rares pour le faire remarquer).

19) Animal Kingdom (David Michôd, 2010)

J’ai un amour indéniable pour le cinéma australien, surtout de genre, qui reste un des seuls avec le cinéma coréen à proposer des films d’horreur ou de gangsters un minimum originaux et qui ne ménagent personne. J’avais été bluffé par la rudesse de ce film, où aucun personnage n’est à l’abri, à suivre le parcours de cet ado condamné d’avance par sa famille criminelle et hautement dysfonctionnelle. Là aussi les acteurs étaient incroyables, entre le taiseux Joel Edgerton, le terrifiant Ben Mendelsohn et le toujours formidable et charismatique Guy Pearce, on avait droit à un sacré festival de gueules. Malheureusement Michôd semble s’être un peu perdu en route aux USA et avec Netflix après son formidable The Rover, espérons un retour en forme prochainement.

20) Ma Vie de Courgette (Claude Barras, 2016)

Pour moi ce que le cinéma d’animation français peut faire de mieux, tout simplement. Un film profondément personnel et cru, d’à peine plus d’une heure, qui n’est clairement pas destiné aux enfants malgré son design en pâte à modeler tout mignon. On touche ici à tout un tas de thèmes difficiles comme l’abandon, le manque d’amour, la violence, le harcèlement, sans jamais tomber dans le misérabilisme. Les moments les plus durs sont contrebalancés par des passages aussi sublimes visuellement qu’émouvants, soulignés par une belle sélection musicale. Difficile de rester de marbre devant une telle sincérité.

PS : Mention spéciale/explication pour Armadillo, un film devant lequel j’avais pris une énorme baffe au ciné mais dont je ne suis plus aussi sûr maintenant, j’ai préféré m’abstenir de le mettre dans ce top par prudence. Je ne sais pas dans quelle mesure c’est vrai mais tout le côté “mis en scène” et factice qui a été décrié depuis m’a fait douter de mon ressenti initial, tout simplement, et je n’ai pas envie de le revoir pour autant.

Top décennie 2010 – Olivier

1) La Vie d’Adèle – Chapitres 1&2 (Abdellatif Kechiche, 2013)

La Palme d’Or 2013 qui a fait grand bruit tant par ce qu’il est que par les polémiques à sa sortie, concernant entre autres les conditions de tournage, reste pour moi LE film des années 2010. J’ai vu le film à sa sortie en salles et, les aléas de ma vie personnelle aidant, le film m’a profondément bouleversé. J’ai erré pendant quelques heures après être sorti de la séance, le ventre noué, avec l’impression d’avoir personnellement vécu les étapes d’une histoire d’amour dans ce qu’il y a de plus beau et de plus déchirant. Il m’a fallu plusieurs jours pour m’en remettre et à la seule écoute involontaire de I Follow Rivers, mon cœur se serrait immédiatement. Une expérience hors normes pour un film monstre, à voir absolument.

2) Her (Spike Jonze, 2013)

Une image reste gravée : Joaquin Phoenix habillé tel un des personnages de The Big Bang Theory, la tenue vestimentaire à la mode de ce futur proche, allongé sur le sable californien, parlant et riant seul. Seul ? Absolument pas, car l’oreillette et la mini tablette qu’il porte lui permettent de communiquer avec son « OS », intelligence artificielle dernier cri ayant la voix de Scarlett Johansson, reconnaissable entre mille. On pense parfois à Black Mirror pour le côté anticipation technologique, mais avec une douceur et une mélancolie qui remplacent la noirceur et le pessimisme de la série britannique. Une histoire d’amour douce amer nous laissant en tête quelques notes de ukulélé, des gratte-ciels éclairés dans la nuit et la voix envoutante de l’OS Samantha.

3) Drive (Nicolas Winding Refn, 2011)

Le film qui a révélé Nicolas Winding Refn à de nombreux spectateurs, c’est mon cas, mettant en scène un Ryan Gosling quasi mutique dans le rôle d’un mécanicien/cascadeur utilisant également ses talents de chauffeur pour des activités moins légales. La rencontre avec sa voisine, interprétée par Carey Mulligan, va perturber le semblant d’équilibre de sa vie. Des scènes planantes à bord de la voiture, l’utilisation de musiques electro et des montées de violence soudaines donnent au film une identité et une ampleur formidable. La scène dans l’ascenseur en est la plus belle des illustrations et restera gravée dans l’esprit de la plupart des spectateurs.

4) Mektoub My Love : Canto Uno (Abdellatif Kechiche, 2017)

Deuxième film d’Abdelatif Kechiche dans ce top des années 2010, c’est dire s’il a marqué ma décennie de cinéma ! Ce premier volet d’une possible trilogie (le deuxième volet n’est pas encore sorti en salles après sa projection pour le moins houleuse à Cannes 2019) nous emmène au bord de la Méditerranée pendant un été du milieu des années 90. On retrouve le jeune Amin, véritable avatar de Kechiche, passionné de cinéma et assez effacé au milieu de ses amis avides de passion et de plaisir sous le soleil chaud de Sète. Le film a provoqué beaucoup de discussions sur la représentation des personnages féminins devant la caméra de Kechiche, ce qui me semble naturel, mais pour ma part c’est la façon de saisir la vie et la vitalité de cette jeunesse qui m’a touché. Je n’ai absolument pas vécu ce genre d’été ou de nuit en discothèque, mais l’espace de trois heures dans une salle obscur, j’ai été happé par l’ivresse de ces fêtes.

5) Mud – Sur les rives du Mississippi (Jeff Nichols, 2012)

Après Shotgun Stories et Take Shelter, Mud est le troisième film de Jeff Nichols, jeune réalisateur américain extrêmement que j’apprécie particulièrement, n’ayant pas peur de se confronter à la science fiction ou au fantastique. Dans celui-ci pourtant pas de surnaturel à proprement parler, même un bateau dans un arbre évoque le fantastique perçu par les yeux d’un enfant. Matthew McConaughey est brillant dans un rôle de menteur au grand cœur et le récit se déroulant au bord du Mississippi évoque l’univers des romans de Mark Twain. La nature est remarquablement filmée et m’a parfois fait penser à Malick, mon autre grand amour américain. Sur les cinq films de Jeff Nichols, que j’ai tous aimé, celui-ci reste pour moi le plus abouti et bouleversant.

6) Django Unchained (Quentin Tarantino, 2012)

Septième film de Quentin Tarantino et premier western « officiel », Django Unchained nous entraine dans l’épopée d’un esclave libéré par un chasseur de prime souhaitant retrouver sa femme, toujours esclave. Les deux équipiers parcourent des paysages variés et sublimement filmés, l’humour ne manque pas (la scène du vrai faux KKK) et Leonardo DiCaprio interprète le rôle d’un propriétaire de plantation glaçant de cynisme. La violence est évidemment au rendez-vous, comme dans ce carnage sanguinolent à coup de revolver et de Winchester ou lorsque des chiens calment leur appétit. A voir et à revoir.

7) Mad Max : Fury Road (George Miller, 2015)

Lors de mon premier visionnage de ce Mad Max (pourtant au cinéma, dans les meilleurs conditions possibles), j’ai aimé le film mais ça n’a pas été la claque sensorielle que j’attendais. Il m’a fallu du temps, des lectures et réflexions sur le film et surtout un re-visionnage en Blu-Ray pour ré-évaluer ce film à sa juste valeur. Un tour de force incroyable de faire de ce quatrième volet, qui est une suite sans l’être totalement, une immense poursuite en plein désert. Un véritable aller-retour vers l’enfer dans un maelström d’explosions, de vrombissements et de guitares électriques lance-flammes. Le personnage de Max est littéralement muselé pendant le premier quart du film et laisse toute la lumière à l’incroyable Charlize Theron dans le rôle de la réelle héroïne du film : Furiosa.

8) Blade Runner 2049 (Denis Villeneuve, 2017)

J’ai découvert le Blade Runner de Ridley Scott très récemment et bien qu’il m’ait plu, je suis resté légèrement sur ma faim, en attendant de le revoir pour j’espère réviser mon jugement. Cette suite réalisée par Denis Villeneuve m’a par contre subjugué. La beauté de ces paysages de désolation, le casino en plein désert post-incident nucléaire, le barrage retenant la mer déchainée me hantent toujours. La bande originale est exceptionnelle et le jeu tout en retenue de Ryan Gosling qu’on retrouve à nouveau dans ce top m’a paru tout à fait approprié pour ce personnage. Un énorme coup de cœur, que j’ai déjà hâte de revoir.

9) Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda, 2018)

Palme d’or 2018 pour un réalisateur cher à mon cœur, que j’avais découvert avec Notre Petite Sœur et qui m’avait séduit par sa douceur et la tendresse avec laquelle le réalisateur japonais accompagne ses personnages dans la vie de tous les jours. Après avoir vu de nombreux films, j’ai donc été ravi de voir Hirokazu Kore-eda remporter le prestigieux prix Cannois, en espérant être moi aussi conquis par le film. Nous accompagnons ici une famille de marginaux unies par les hasards de la vie, vivant de menus larcins et de petits boulots plus ou moins légaux. La patte Kore-eda est bien présente, mélange de douceur humaniste et d’une certaine noirceur dans les thèmes abordés (violence familiale, justice, mort). Un film bouleversant et un premier pas parfait dans l’œuvre de Kore-eda pour celles et ceux ne le connaissant pas encore.

10) Melancholia (Lars Von Trier, 2011)

Sortant à l’été 2011 en France et suivant une polémique cannoise suite à des déclarations plus que limites de Lars Von Trier, désormais persona non grata au Festival, ce magnifique film a fortement marqué le début des années 2010. Composé de deux chapitres distincts liés narrativement mais très différents d’un point de vue cinématographique, le film nous emporte dans la dépression de Justine interprétée brillamment par Kirsten Dunst, elle même dépressive à cette période. A cette mélancolie terrestre, le cosmos répond par la planète justement nommée Melancholia dont la trajectoire menace dangereusement la Terre. Le dernier acte du film, d’une puissance folle, m’a laissé hébété de longues minutes dans la fraicheur d’un cinéma montpelliérain en plein canicule.

11) La La Land (Damien Chazelle, 2016)

12) The Tree of Life – L’Arbre de vie (Terrence Malick, 2011)

13) Une séparation (Asghar Farhadi, 2011)

14) Shutter Island (Martin Scorsese, 2010)

15) Boyhood (Richard Linklater, 2014)

16) Deux jours, une nuit (Jean-Pierre et Jean-Luc Dardenne, 2014)

17) The Social Network (David Fincher, 2010)

18) Take Shelter (Jeff Nichols, 2011)

19) Parasite (Bong Joon Ho, 2019)

20) Les combattants (Thomas Cailley, 2014)

Septembre-octobre 2019

Arnaud

Sacrée entreprise qu’un film comme Joker, objet improbable au sein de l’univers DC, réalisé par un cinéaste surtout connu maintenant pour la trilogie Very Bad Trip et raflant le premier prix à la Mostra de Venise. Todd Phillips n’a aucun moment cherché à cacher ses inspirations, il souhaitait faire un remake de La Valse des pantins et en partie de Taxi Driver, il s’est retrouvé à le faire chez DC alors qu’il aurait pu le faire ailleurs. C’est à la fois la force et le problème du film à mes yeux. L’écriture n’est jamais lourde pour insérer le personnage dans l’univers du sombre super-héros de Gotham, mais d’un autre côté ce n’est pas vraiment ce qui apporte de la force au film non plus. Joaquin Phoenix se donne comme un possédé pour rendre son personnage aussi crédible et inquiétant que possible, ayant perdu (dangereusement) du poids comme il est devenu fréquent de faire pour ce genre de rôles. Mais cela ne masque pas le fait que le film a du mal à se détacher de ses modèles. Même si j’ai beaucoup aimé les séquences les plus fortes, le reste du cheminement est fort classique et il est difficile de ne pas comparer aux deux grands films de Scorsese. On sent un certain manque de confiance dans la force des images à de nombreuses reprises quand la musique en fait des tonnes au lieu de se taire pour laisser le malaise prendre le dessus, ainsi qu’une trop grosse utilisation des rires étranges du personnage au risque de lasser. D’un côté on se réjouira de voir un film aussi radical être apprécié et rencontrer du succès dans un univers aussi aseptisé et médiocre habituellement, d’un autre on pourra être surpris qu’il rencontre ce succès par rapport à des films similaires sortis de façon plus confidentielle. Il a le mérite de ne rien sacrifier sur l’autel du commercial, on sent que réalisateur comme acteur ont cru à fond à leur vision des choses, mais pour moi on est quand même assez loin du chef d’œuvre.

James Gray m’avait assez déçu avec The Lost City of Z, que j’avais trouvé trop tiraillé entre passages en Angleterre et en Amérique du Sud, et surtout pas assez intense et angoissant lors des péripéties dans la jungle. J’attendais donc Ad Astra, sa relecture annoncée d’Apocalypse Now/Au cœur des ténèbres de pied ferme, surtout avec Brad Pitt et Tommy Lee Jones au casting. Autant le dire tout de suite, j’ai été nettement plus convaincu par cette odyssée spatiale jusqu’au-boutiste, à la quête d’un père distant au propre comme au figuré, voyage initiatique d’un astronaute hors pair coupé de ses propres sentiments. Sans trop en dire, j’ai trouvé passionnant de suivre un personnage comme celui de Roy McBride (Brad Pit), à la carrière absolument irréprochable et aux exploits d’emblée surhumains, dont on découvre la fragilité par évènements et monologues successifs. On est à l’exact opposé du schéma classique de personnage fragile au départ qui se durcit dans l’adversité, comme le fait un Gravity (que j’adore également). Alors qu’il ne nous avait pas habitué à ça, James Gray nous réserve quelques passages d’action épiques comme on en voit trop peu au cinéma, je pense surtout à l’introduction et à la bataille sur la Lune. Je me suis également régalé de la cohérence totale de l’univers, avec la Lune et Mars colonisées de façon commerciale et cynique, dénuée de toute notion de rêve que pouvait comporter un Seul sur Mars. Mes seuls reproches portent sur la durée à mon sens trop courte du film, avec de nombreuses ellipses paraissant bien trop sèches et des passages prometteurs et attendus qui auraient mérités d’être plus développés; et enfin sur le choix de caster Liv Tyler pour un rôle aussi important, je ne l’ai jamais trouvée convaincante ni expressive. A part ça, on est clairement sur une belle œuvre de science-fiction personnelle et originale, à voir au cinéma absolument.

Ce Portrait de la jeune fille en feu (vu pour ma part en mai) est un film étonnant, à la fois très classique dans sa forme et son synopsis rappelant d’autres drames en costume, et très moderne dans son propos féministe revendiqué et traité avec passion. Les hommes ne sont presque que des intrus ou au mieux des figurants dans cette histoire, qui est bien celle de quatre femmes en quasi huis clos dans une maison sur la côte Atlantique. Autant le dire d’emblée, le plus gros problème que j’ai eu avec le film était son premier tiers très lent, qui pose bien les personnages mais sur lequel je me suis demandé si j’allais décrocher ou non. Finalement je me suis laissé emporter, le film gagne doucement mais sûrement en puissance au fur et à mesure que les relations se développent et s’enrichissent, avec de nombreux moments de grâce culminant sur une fin des plus émouvantes. Pas parfait ni un chef d’œuvre à mes yeux, mais un très beau film français comme on aimerait en voir plus souvent.

J’ai du mal à comprendre la presse française dithyrambique sur Le Traître. Je l’ai également vu en mai avec les avant-premières cannoises, donc je n’étais influencé par aucune critique, juste curieux de voir un bon film de mafieux, et c’était ce que j’avais obtenu : un bon film de mafieux. Pas un chef d’œuvre, pas une claque, rien de transcendant non plus, juste un bon film bien ficelé et bien joué. Alors pourquoi de telles critiques ? Bellochio suit son personnage au plus près, dévoilant peu à peu ses contradictions et les convictions qui vont l’amener à trahir son milieu, parce que le milieu lui-même aurait trahi ses valeurs. Le personnage est absolument passionnant et son acteur parfait, mais pour ma part comment ne pas être dérangé par le côté poussif et mécanique du film, qui nous porte de lieu en lieu et d’époque en époque à grand renforts d’indications à l’écran et de flashbacks pas toujours nécessaires ? J’aurais largement préféré un choix plus tranché façon Jobs avec nettement moins de périodes de sa vie mais plus creusées, et pourquoi pas un procès encore plus long à l’écran. On se retrouve à l’arrivée avec un film complet à l’excès sur la biographie de son personnage mais qui ne se laisse que trop rarement respirer, comme s’il avait peur de ne pas tout nous avoir raconté malgré sa durée déjà conséquente. En bref, un bon film sur un sujet passionnant, mais qui aurait aussi pu être bien meilleur avec un peu plus de prise de risques.

Olivier

A l’image d’une rentrée scolaire où l’on retrouve des camarades de classe tout en découvrant de nouvelles têtes, j’ai profité de ce retour de vacances pour prendre des nouvelles de Ken Loach, fidèle camarade de lutte, et de son Angleterre néolibérale avec Sorry We Missed You. Une autre voix familière, celle de Patricio Guzmán dans sa Cordillère des Songes, documentaire faisant suite à Nostalgie de la Lumière et Le Bouton de Nacre, prolongeant ses réflexions sur le Chili de Pinochet et ses conséquences humaines et économiques. Ces films bien que très formellement très éloignés dialoguent d’une manière très intéressante. Le néolibéralisme roi dans le Newcastle du film de Ken Loach, qui va jusqu’à faire imploser la cellule familiale, dernier refuge des travailleurs exploités et trompés (l’auto entreprenariat et les “contrats zéro heure”), n’est-ce pas le néolibéralisme expérimenté au Chili sous la dictature de Pinochet, véritable répétition générale pilotée par Chicago ? Comment ne pas penser à la révolte secouant aujourd’hui ce Chili sorti de la dictature mais pas d’un système économique qui profite à certains tout en laissant la plupart sur le côté ?

Ken Loach a toujours été un réalisateur engagé, et si certains lui reprochent son manque de finesse évident dans sa façon de raconter ses histoires, c’est toujours dans le but avoué de questionner et d’attaquer les systèmes d’oppression contemporains. Le plus remarquable est sa capacité, à maintenant 83 ans, à retranscrire les visages changeants du capitalisme et ses conséquences sur son pays. Du milieu paysan du début des années 70 de Kes à l’uberisation du travail de Sorry We Missed You en passant par des portraits de jeunesses comme Sweet Sixteen et La Part des Anges, son œuvre s’étend sur un demi-siècle et son importance me semble primordiale.

Mais quid des nouvelles têtes en cette rentrée me direz-vous ? Première rencontre avec James Gray, sous fond d’odyssée spatiale mêlée de quête existentielle aux confins du système solaire. Une épopée dans laquelle l’astronaute Roy McBride interprété par Brad Pitt sera prié d’enregistrer un message à destination de Neptune pour entrer en contact avec son père, pourtant disparu il y a de nombreuses années. Difficile de se faire une idée de l’époque précise à laquelle se déroule le film, un futur proche technologiquement assurément, mais dans lequel l’humanité a semble-t-il décidé de s’engager plus intensément dans l’exploration spatiale. Des scènes resteront longtemps en mémoire, que ça soit sur la Lune ou dans l’apesanteur de l’espace, et ce voyage vers les étoiles permettra à nos esprits de laisser nos angoisses terrestres de côté pour quelques heures.

Et le petit avis de dernière minute très bref sur Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma qui m’a beaucoup touché. Un film bouleversant à l’image de son épilogue, magnifique.

Romain

L’un de mes plus gros coups de coeur de l’année est signé Céline Sciamma pour son magnifique Portrait de la jeune fille en feu. La réalisatrice dont l’oeuvre m’a beaucoup plu jusqu’à présent m’a ici touché en plein coeur en mettant (superbement) en scène cette histoire de passion folle qui, si elle demeure singulière par son contexte, marque par son universalité. Il est question d’émancipation, de quête de liberté, de désir avant tout dans ce microcosme féminin qui voit chaque personnage se découvrir petit à petit. Le film s’écarte de l’approche naturaliste adoptée dans ses précédentes œuvres pour adopter un ton plus littéraire qui fait la part belle à des dialogues écrits au cordeau. Dialogues qui se combinent merveilleusement bien à des instants de silence où seuls les regards parlent dans un style que ne renierait pas Ingmar Bergman. A la fois rupture stylistique et continuité thématique dans la filmographie de Céline Sciamma, Portrait de la jeune fille en feu s’impose comme l’un des plus beaux films français de ces dernières années, tout simplement. Et quel duo d’actrices, d’une alchimie rare !

En revanche si il y a bien un film dont je n’ai absolument pas compris l’engouement public et critique, c’est bien le Joker de Todd Philipps. Si l’idée de réaliser une histoire originelle à l’antagoniste le plus célèbre de l’univers DC était intrigante, le fait est que le film s’engage dans un chemin vraiment trop convenu. La prise de risques et l’ambition sont réelles, du moins sur le papier, mais l’écriture et la mise en scène surlignées m’ont laissé un goût amer tant Philipps donne l’impression de prendre son spectateur la main pour qu’il sache quoi ressentir devant telle scène avec notamment une utilisation peu subtile de la musique. Et surtout quel manque de profondeur dans le sous-texte politique avec une société qui se révolte mais est quasiment absente des débats. Tout paraît vain tant le film se concentre uniquement sur la figure du Joker représentée de manière artificielle, à la fois dans l’origine de ses troubles et dans la justification de ses actions, et délaisse Gotham City dont le malaise ne fait l’objet que d’une ébauche. Le Joker n’est donc qu’un zinzin vivant chez maman et qui n’est méchant qu’avec ceux qui le méritent, le tout avec une progression balisée et attendue. Quel cruel manque d’inspiration et quelle déception… La promotion du film s’est beaucoup axée sur l’inspiration qu’ont représenté Taxi Driver et La Valse des pantins de Martin Scorsese qui ne sont pas les références les plus dégueulasses. Dommage que le résultat soit plus celui d’un étudiant qui cite ses sources que celui d’un véritable héritier…

Dans les autres sorties marquantes de cette période de l’année, notons la curiosité brésilienne Bacurau réalisée par Kleber Mendonça Filho. Dystopie ayant lieu dans un futur qui n’a jamais paru aussi proche, le film est une charge brutale contre le monde prôné par les Bolsonaro et autres Trump. On suit le quotidien d’un village brésilien perdu dans lequel s’organise une forme de résistance culturelle et politique face à une menace venue de l’extérieur qui paraît trouble avant de s’éclaircir petit à petit. Le film marque par sa radicalité et ses changements d’ambiance avec un derniers tiers virant dans un western violent aux accents de John Carpenter. Si le film choque, interroge et surprend (positivement ou négativement), c’est principalement grâce à sa mise en scène ingénieuse qui arrive habilement à passer du cadre folklorique à un climat proche de l’horreur absolue. Une sacrée expérience de cinéma à l’arrivée, déroutante et originale.

Et pour conclure ce petit compte-rendu, évoquons deux films sociaux qui m’en auront touché une sans faire bouger l’autre comme le dirait notre ancien président disparu durant cette période. Tout d’abord Sorry we missed you de Ken Loach dont je ne partage pas l’enthousiasme si bien transcrit d’Olivier ci-dessus. A la manière d’un Moi, Daniel Blake qui m’a horripilé, je trouve ce cinéma dénué de toute subtilité, inscrit dans une logique binaire dans l’écriture des personnages qui ne laisse que peu de place à la nuance. Chaque situation est tellement anticipée et attendue que le film ne réserve que peu de surprises. Restent néanmoins des pistes de réflexion intéressantes sur l’ubérisation de la société britannique (et de nos sociétés occidentales en général) et une interprétation toujours juste, avec un dispositif de mise en scène épuré qui a le mérite de ne pas faire de chichis. Quant à Hors Normes du duo Nakache-Toledano, je reprocherai ici encore une absence de finesse et une certaine lourdeur d’ensemble. Le film respire les bons sentiments et la guimauve bien-pensante du vivre ensemble de façon tellement forcée et artificielle qu’il m’est difficilement possible d’apprécier le reste. C’est un film qui soutient une cause principale soutenue d’avance par le spectateur sur la question de l’autisme et donne ainsi l’impression de brasser de l’air en abordant d’autres problèmes sociétaux qui ne font l’objet que d’une revue superficielle. Nous voilà devant un film à la recherche du consensus, tout à fait inoffensif mais qui nous fait regretter de ne pas avoir un grand cinéaste à la barre pour élever davantage le débat sur cette épineuse question de la prise en charge des handicaps lourds (et qui ne s’embarrasserait pas d’un surplus de sous-intrigues). Désolé, ou sorry pour notre ami britannique, mais dans ces deux cas-là il m’en faut plus.

Le Daim

Voilà près de vingt ans que Quentin Dupieux (Mr Oizo pour les intimes) redonne vie au cinéma absurde en France avec une poignée de films dont les synopsis n’auront pas manqué d’écarquiller les yeux des spectateurs peu avertis. Après avoir filmé, entre autres, les aventures d’un pneu serial killer ou encore d’un cinéaste en quête du cri parfait pour son prochain film, le réalisateur s’attaque cette fois-ci à Georges, un quadra qui a tout plaqué pour s’acheter une veste 100% daim. C’est au tour de Jean Dujardaim…din d’occuper cette fois-ci le rôle principal dans un nouveau registre comique pour l’acteur, bien éloigné des teintes parodiques d’OSS 117, des sketchs balisés de Chouchou et Loulou ou encore des comédies mongoloïdes à base de surfeur niçois. Un nouveau rôle dans un nouveau registre mais hélas pas forcément dans le meilleur représentant du genre, Le Daim étant typiquement le type de long-métrage dont le résumé s’avère finalement plus drôle que le film en lui-même.

Durée du film : 1h17

Durée ressentie : 2h17

Pour être parfaitement honnête je ne suis pas familier du cinéma de Dupieux, n’ayant vu de lui que Réalité que j’ai beaucoup aimé à sa sortie pour sa multitude d’idées loufoques et cette drôle d’ambiance naviguant entre comédie absurde pure et malaise diffus. Le Daim marque comme une sorte de rupture avec cette atmosphère, entrant davantage dans une ambiance plus terre-à-terre qui n’en délaisse pas moins certains codes propres au réalisateur, à commencer notamment par cette esthétique reconnaissable entre mille. Mais contrairement à Réalité qui nous perdait habilement et de façon progressive dans un univers régi par le non-sens, le nouveau film de Dupieux reste quant à lui très clair et lisible. Et c’est peut-être là où le bât blesse le plus fortement tant on devine à chaque instant les intentions du cinéaste sans être réellement surpris par ce que l’on s’apprête à découvrir.

Le film va exclusivement se focaliser sur ces enjeux de crise de la quarantaine à base de quête initiatique absurde, ce qui donne un film radical qui ne s’écarte jamais de son idée de départ et garde une certaine cohérence narrative. Si ce concept et la façon de faire ont de quoi plaire à certains amateurs d’humour loufoque (dont je suis plutôt client), difficile d’y déceler pour ma part quelque chose à gratter en plus. Ce qui me plaît tant dans les longs-métrages des Monty Python ou dans Réalité, c’est la capacité de ces films à nous surprendre, à glisser un élément sorti de nulle part qui contribue à créer un comique de situation qu’on ne voit absolument pas venir. Et c’est finalement ce qui manque cruellement dans ce film 100% daim qui va difficilement surprendre une fois passées les 15 premières minutes tant la mécanique semble réglée méthodiquement, sans aucun détour possible.

Le film donne plus d’une fois cette impression gênante d’avoir un cinéaste qui te prend par la main pour te montrer de façon démonstrative toutes les idées de génie de son film. Il y a certes des instants très drôles où il est difficile de dissimuler ses rires notamment à partir du basculement de Georges dans la zone de non-retour mais cet humour se renouvelle bien trop peu. Nous assistons alors à une narration assez molle parfois émaillée de bonnes idées mais qui demeure assez vaine malgré les séquences osées, notamment au niveau de la violence. Le manque de surprise général crée dès lors ce rythme bâtard peu palpitant qui peine à maintenir un intérêt constant tout le long du visionnage. 

On ne pourra pas reprocher à Dupieux sa mise en scène qui va dégoter de belles idées et qui sait filmer l’absurde aussi bien que le crade. On ne lui reprochera donc pas cette patte visuelle marquée par ces longs plans qui permettent de laisser l’absurde s’installer et infuser ainsi que cet étalonnage particulier qui contribue à l’ambiance du film. La photo est assez moche sur le papier, très délavée, mais elle colle si bien avec cet aspect sale et sauvage que Dupieux développe d’où une certaine cohérence formelle qui est un des points forts du film. On ne reprochera pas non plus à Dujardin d’être l’acteur idéal pour le rôle tout comme on ne reprochera pas à Adèle Haenel de montrer une fois encore que son style spontané et naturel peut s’adapter parfaitement à bien des registres cinématographiques. Elle est définitivement une des meilleures actrices françaises actuelles.On reprochera cependant au film cette paresse, ce côté assez vain à l’arrivée et cette impression de tourner en rond qui était certainement une volonté de Dupieux mais qui peine à présenter un réel intérêt sur un long-métrage. La fin brutale aura au moins le mérite de bousculer un peu ce voyage en Absurdie tout en laissant (enfin) un champ libre à davantage d’imagination pour faire respirer ce récit trop cloisonné. Le système Dupieux peut vite rencontrer ses limites si le cinéaste persiste sur cette voie qui pourrait dangereusement enrouiller ses rouages. Un moment de cinéma qui peut se montrer plaisant autant qu’il peut nous amener à nous poser cette question: Tout ça pour ça?